Le réseau Les Générateurs lancé par l’ADEME en 2022 vient de passer le cap des 3 ans et voit son financement renouvelé pour une nouvelle période triennale de 2025 à 2027. Nous avons interviewé Nicolas Peraudeau, référent national au réseau au sein de l’ADEME, qui participe au déploiement du réseau depuis ses débuts. L’occasion de prendre un peu de recul sur la place que le réseau occupe dans le paysage de l’ingénierie territoriale et sur les évolutions attendues
Bonjour Nicolas,
Veux-tu bien te présenter et nous dire quel est ton rôle dans le réseau Les générateurs ?
Je suis responsable du pôle socio-économie et appropriation territoriale à l’ADEME au sein de la direction bioéconomie et énergies renouvelables, et référent national du réseau Les Générateurs
Plus concrètement, au sein du réseau Les Générateurs, je fais l’interface avec les directions régionales de l’ADEME, je veille à diffuser l’action du réseau dans les différents territoires, je coordonne la stratégie et je pilote les prestataires en charge de l’animation du réseau.
Veux-tu bien resituer le réseau les Générateurs dans les différents réseaux soutenus par l’ADEME ?
Effectivement, l’ADEME a deux principaux rôles : développer de l’expertise en matière de transition écologique et distribuer des aides pour accompagner des projets vertueux et soutenir leur investissement. Pour accompagner des projets en matière de transition écologique, l’ADEME finance des relais territoriaux, dans des structures spécialisées sur une thématique, un domaine et bien implantées dans un écosystème local.
C’est le cas des Générateurs qui font partie des relais territoriaux de l’ADEME sur les énergies renouvelables :
- Les Générateurs couvrent les énergies renouvelables électriques éolienne et photovoltaïques.
- A côté des Générateurs, le réseau des contrats de chaleur renouvelable territoriaux (CCRT) soutient des collectivités ou des professionnels sur les énergies renouvelables thermiques : biomasse, géothermie, solaire thermique, etc.
- Les réseaux régionaux Energie Partagée conseillent les collectivités et le grand public sur des montages de projets d’énergie renouvelable avec une gouvernance locale et partagée.
- Les conseillers en énergie partagée (CEP) travaillent depuis plus de 20 ans sur la maîtrise de l’énergie dans le patrimoine public.
- Et enfin le réseau Elus pour agir qui est un réseau chapeau qui réunit les élu·es locaux. C’est un réseau fer de lance pour sensibiliser un maximum de communes partout en France aux enjeux de transition écologique. Son objectif ambitieux est d’avoir un référent transition écologique dans chaque conseil municipal de France.
Merci pour ce panorama qui nous permet de mieux comprendre la place des Générateurs. Toi qui as connu les débuts de ce réseau : pourrais-tu nous dire quels étaient les défis à relever, à l’époque en 2022 ?
Il y a en avait beaucoup ! Mais je vais en lister 3.
En 2021, un appel à manifestation d’intérêt avait été lancé pour inciter des structures locales à créer des postes de conseillers et à se réunir en consortium régional pour arriver à couvrir l’ensemble des régions. On cherchait à pouvoir conseiller le maximum de collectivités sur leurs projets éoliens et photovoltaïques en phase d’émergence.
- En partant d’une page blanche, le premier défi a été de créer une marque et de développer sa notoriété. C’est quelque chose que l’on a réussi à faire avec les services communication de l’ADEME. On a également su se faire connaître au travers des participations à des évènements de portée nationale.
C’est vrai que l’enquête menée auprès des collectivités en janvier 2025 montre que la moitié des personnes interrogées connaissent le réseau Les Générateurs, ce n’est pas rien !
- Le deuxième défi a été de parvenir à lancer une animation du réseau qui soit utile pour les conseillers et « sur mesure ». De ce côté, je pense qu’on a réussi avec l’équipe d’animation nationale* à fédérer les Conseillers au sein du réseau, en instaurant des temps d’échange réguliers et en leur apportant des ressources utiles pour leur métier,
- Le troisième défi était de former le réseau. Il nous fallait être certain que les Conseillers soient tous en capacité de répondre aux questions de la même façon, qu’ils soient en Martinique ou en PACA, d’apporter un conseil neutre et gratuit. Cet enjeu de formation est passé par la création d’un catalogue de formation sur mesure. Cela a été mis en place avec les services formation de l’ADEME et cela a permis de former les 70 conseillers sur des compétences techniques, juridiques et aussi financières.
*L’animation nationale du réseau Les Générateurs est réalisée entre 2022 et 2025 par l’association Hespul et l’association AMORCE.
Au-delà de cette lettre de mission initiale, pourrais-tu nous citer les 3 avancées les plus marquantes à l’issue des 3 années de fonctionnement du réseau ?
Parmi les avancées du réseau, la première est d’être parvenue à créer une adhésion des structures au réseau et de faire en sorte que les conseillers au sein de ces structures s’identifient comme Conseillers Générateurs. C’est un travail qui a bien réussi et que l’on continue de mener avec les nouveaux Conseillers qui arrivent dans le réseau.
La deuxième avancée marquante est d’avoir fait du réseau un outil majeur de la politique publique du développement des énergies renouvelables. Le réseau Les Générateurs est cité dans le texte d’accompagnement de la loi d’accélération des énergies renouvelables (APER) et dans le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), ce qui montre que le réseau est bien identifié comme outil de développement des énergies renouvelables électriques sur le territoire, en particulier en phase d’émergence.
Et concernant la 3ème avancée : en lien avec la question précédente sur les relais territoriaux, il fallait être en capacité de créer de la complémentarité entre ces différents réseaux de conseillers. Il y a un travail important qui a été fait avec les réseaux régionaux de l’énergie citoyenne. Egalement avec les réseaux Chaleur renouvelable et les réseaux CEP : des présentations croisées au sein de l’ADEME ont permis de mettre en évidence la complémentarité dans l’offre de conseil aux collectivités sur un panel large de technologies.
Cela reste une action à poursuivre pour la suite : nous souhaitons continuer de développer les synergies avec d’autres opérateurs et d’autres acteurs comme le CEREMA, Enedis, etc.
Et quelle est ta perception de la façon dont les collectivités se sont appropriées en quelque sorte le réseau au cours de ces 3 années ?
Il faut voir que le réseau a été créé à un moment où les contestations se faisaient de plus en plus vives sur l’éolien et les conseillers touchent cela d’assez près : ils rencontrent des collectivités frileuses et parfois peu enclines à développer des projets éoliens. Le réseau constitue pour elles une opportunité pour renouer le dialogue, pour rappeler que ces installations peuvent constituer une chance pour les territoires, par exemple du point de vue des retombées économiques.
Ce que tu me dis me fait penser au témoignage d’un élu sur la commune Martigné-Ferchaud. Il expliquait que l’opacité de certains montages financiers des projets éoliens (fonds de pension étrangers, rachats et fusions) alimentait une perception négative au sein de la population, donnant l’impression que la transformation du paysage bénéficie principalement à des acteurs économiques éloignés du territoire. L’accompagnement Générateurs dont il a bénéficié lui a permis d’entrevoir un projet avec 40 % de participation citoyenne et communale grâce à une gouvernance partagée du projet, ça change nécessairement la donne sur un territoire. Et sur le photovoltaïque ?
Sur le photovoltaïque, les premières sollicitations concernaient surtout du photovoltaïque en toiture. La loi d’accélération et la création des zones d’accélération a permis de mieux appréhender les échelles et la nécessité d’avoir des projets de plus grande capacité et donc des projets au sol. En parallèle de cela, les conseillers Générateurs sont montés en compétence pour répondre aux questions sur le photovoltaïque au sol et l’agrivoltaïsme qui ne sont pas des sujets simples !
Les soutiens de l’ADEME, de la DGEC, des régions et l’implication des structures locales se poursuivent pour 3 nouvelles années, quels sont les changements pour cette future période et quelles perspectives souhaites-tu nous partager ?
D’abord, dans la continuité de ce qui a été fait, nous allons poursuivre la montée en compétence du réseau Générateurs via la formation. Une nouvelle offre de formation au réseau va être lancée car il y a des besoins importants du fait du contexte réglementaire qui évolue en permanence. Depuis 3 ans, on a également pu voir le type de questions qui étaient posées par les collectivités et elles nécessitent de se former en continu. Dans cette nouvelle offre de formation, il y a également des modules sur l’animation de réunions et les aspects communicationnels qui font partie des besoins identifiés dans le métier de conseiller Générateurs. Il est aussi prévu une formation spécifique aux Outre-Mer car leur contexte DROM est particulier et nécessite une formation sur-mesure.
Ensuite, une des nouvelles perspectives est de faire monter en compétence le réseau sur les installations de production de biogaz, de sorte à ce que le réseau puisse répondre aux questions de premier niveau des élu·es. Évidemment, cela se fera en complémentarité avec ce qui existe déjà, je pense en particulier aux postes dédiés à ces thématiques dans les Chambres d’agriculture et parfois co-financés par l’ADEME.
Enfin, l’ADEME a toujours l’objectif de couvrir l’intégralité du territoire français. A ce titre, la direction régionale de l’ADEME en Auvergne Rhône Alpes a lancé un appel à manifestation d’intérêt qui termine en mai 2025 avec le souhait que des structures locales s’entendent dans cette région pour y répondre. En Corse, les réflexions sont en cours. Nous sommes en bonne voie pour avoir une couverture globale du territoire dans les prochains mois.
Merci pour cet échange et ces perspectives. Il n’y a pas de doutes que le réseau Les Générateurs a encore beaucoup à faire pour le développement des énergies renouvelables au service de territoires. Pour celles et ceux qui voudraient en savoir plus sur le réseau et son impact, une enquête en 3 volets est sur le point de paraître.